lundi 11 novembre 2013

Allô docteur

Il n'est pas rare de croiser l'un de ces débatteurs qui récitent des articles de la Somme Théologique – ou Somme de Théologie – comme des mantras. Ils utilisent l'ouvrage de saint Thomas d'Aquin comme jadis les ménagères de moins de 50 ans sortant leur exemplaire de Je sais cuisiner pour préparer le dîner familial. Certains pensent même que tout catholique est tenu à une adhésion de foi à chacune des affirmations de l'Aquinate sous prétexte que ce dernier est docteur de l’Église. Que signifie ce doctorat ? « On donne ce titre, dans l’Église et dans la théologie catholique, à un théologien qui témoigne de l'ancienne Tradition de l’Église et qui répond aux quatre critères suivants : orthodoxie de la doctrine, sainteté personnelle, importance de l’œuvre théologique, reconnaissance officielle de l’Église. » (K. RAHNER, Petit Dictionnaire de Théologie Catholique)

Toutefois, l'orthodoxie de la doctrine ne confère pas à un écrit théologique la valeur d'une déclaration dogmatique. Un dogme est, rappelons-le, « une proposition que l’Église, par son magistère ordinaire ou par une définition papale ou conciliaire , enseigne formellement comme vérité révélée par Dieu, de sorte que sa négation constitue une hérésie. » (RAHNER) Si saint Thomas a le titre de Docteur de l’Église, ils sont une trentaine à l'avoir également reçu, comme par exemple saint Bonaventure, surnommé le « Docteur séraphique », et contemporain de saint Thomas. La spéculation intellectuelle est l’œuvre des théologiens mais le Magistère est confié aux pasteurs de l’Église. C'est à l'évêque diocésain qu'il revient de donner – ou non – l'imprimatur à un écrit théologique. Concernant les dogmes, l'ancien Code de Droit Canonique (1917) déclare : « Il appartient en propre de prononcer un jugement solennel de ce genre soit au concile œcuménique, soit au pontife romain parlant 'ex cathedra'. » (canon 1323)

On rétorquera que plusieurs papes ont mis en avant la pensée du Docteur angélique, par exemple Léon XIII déclarant : « On le considère à juste titre comme le défenseur spécial et l'honneur de l'Église catholique. […]Nous vous exhortons tous […] à rétablir et propager le plus possible la sagesse d'or de saint Thomas. » (Æterni Patris, 1879)

La lettre envoyée par Benoît XV au Supérieur des Jésuites vint préciser les limites de l'autorité des thèses thomistes : « Les étudiants de la Compagnie [de Jésus] peuvent à bon droit être délivrés de la crainte de ne pas suivre avec l'obéissance requise les préceptes des pontifes romains dont la position constante était que saint Thomas doit être considéré comme le maître et le docteur dans l'enseignement de la théologie et de la philosophie, chacun demeurant libre de disputer dans les deux sens de ce dont on peut et dont on a coutume de discuter. » (Quod de fovenda, 1917)

Pie XI synthétisera la position de l'Église de cette façon : « Dans l'étude de la philosophie rationnelle et de la théologie, comme dans l'enseignement de ces sciences aux élèves, les professeurs suivront en tous points la méthode, la doctrine et les principes du Docteur angélique, et ils se feront un devoir de conscience de s'y tenir. Mais que les uns n'exigent pas davantage des autres ce que l'Église, mère et maîtresse de tous, exige de tous ; et dans ces questions à propos desquelles dans les écoles catholiques les auteurs les meilleurs ont coutume de disputer selon des avis contraires, nul de doit être empêché de suivre l'opinion qui lui paraît plus vraisemblable. » (Studiorum ducem, 1923)

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