mercredi 19 décembre 2012

Laïcité : positive, négative ou neutre ?

Dans le climat tendu de polémiques liées au projet de loi concernant le « mariage pour tous » revient fréquemment ce poncif selon lequel les religions – enfin surtout le catholicisme – n'auraient pas à « s'immiscer dans le débat public ». Ce serait, selon certains, un des principes fondamentaux de la laïcité française. Sur quelles bases tangibles s'appuie donc ce déni de liberté d'expression fait aux croyants – citoyens qui, en théorie, bénéficient des mêmes droits que les athées, les agnostiques ou encore les anticléricaux notoires ?

Le texte de référence qui régit, pour l'essentiel, cette laïcité que d'aucuns ont trop tendance à vouloir calquer sur la Terreur Rouge est la version remaniée de la Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État. À entendre certaines déclarations intempestives sur le sujet, on peut se demander si tous les débatteurs qui l'évoquent en connaissent vraiment le contenu : ils risqueraient de le trouver un peu tiède en matière de lutte contre l'obscurantisme.

L'article 1 dispose : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. » On peut légitimement estimer que cette liberté de conscience est reconnue à tous, y compris aux croyants.


L'article 2 ajoute : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte [...] Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. » Il n'est nullement question de chasser la pratique religieuse de la sphère publique en renvoyant les curés dans leurs sacristies.

L'article 26 précise : « Il est interdit de tenir des réunions politiques dans les locaux servant habituellement à l'exercice d'un culte. » Ce qui ne signifie pas qu'aucun propos touchant à la politique ne puisse être tenu dans un édifice religieux. Ou qu'une prière universelle ne puisse évoquer des faits de société. Le sens de la nuance gagnerait à être davantage répandu...

L'article 31 énonce : « Sont punis de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe et d'un emprisonnement de six jours à deux mois ou de l'une de ces deux peines seulement ceux qui, soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte. » En résumé : il est interdit de contraindre quelqu'un à pratiquer une religion. Il est aussi interdit de lui interdire. C'est cela qu'on appelle la « liberté religieuse ».

L'article 32 ajoute: « Seront punis des mêmes peines ceux qui auront empêché, retardé ou interrompu les exercices d'un culte par des troubles ou désordres causés dans le local servant à ces exercices. » Prenons un exemple : des militants associatifs faisant de l'agitprop pendant une messe encourraient une sanction pénale. Suite de l'exemple : combien de membres d'Act Up ont été condamnés après leurs divers chahuts pendant l'office dominical (à Notre-Dame de Paris, à la cathédrale de Meaux, à Saint-Joseph des Épinettes, etc.) ? Fin de l'exemple : qu'on fasse appliquer la loi !

Comme on peut le constater, la loi de 1905 n'a jamais visé à renvoyer les chrétiens dans les catacombes. Si l'époque des persécutions antichrétiennes représente un âge d'or pour quelques libres-penseurs obsessionnels, les principes de la laïcité française sont susceptibles de décevoir leurs attentes. Il serait bon que ceux qui parlent le plus de laïcité prennent le temps de vérifier leurs sources afin d'éviter de répéter en boucle des contre-vérités et de travestir ainsi les valeurs dont ils se targuent d'être les garants.

samedi 15 septembre 2012

Logique binaire

S'il y a bien une chose sur laquelle traditionalistes et progressistes se rejoignent, c'est leur manière d'envisager Vatican II. On a appelé cela l' « herméneutique de rupture ». C'est cette conception erronée de l’aggiornamento voulu par Jean XXIII que les deux franges extrêmes de l’Église – au point d'en être parfois en dehors – ont adoptée, les polémistes des deux bords agitant cette caricature comme une marionnette dans un théâtre pour enfants.

« Du passé faisons table rase ! » C'est ainsi qu'on nous résume le fameux « esprit du Concile » qu'affectionnent ceux qui font l'impasse sur les textes conciliaires au profit de raccourcis grossiers, de propos de table apocryphes et d'anecdotes devenues des légendes urbaines. Ils nous présentent tous une vision figée de la Tradition, les uns fantasmant un âge d'or passé, les autres confondant peuple de Dieu avec soviet.

Saint Thomas vit et crut. N'en faites pas autant s'il vous arrive de regarder l'un de ces documentaires sur l’Église dont le service public est coutumier.


   (Documentaire intégral ici)

vendredi 6 janvier 2012

Vatican II : une crise de foi ?

Parmi ceux à qui Vatican II donne des boutons, peu ont lu ne serait-ce qu'un seul des textes conciliaires. Cela n'empêche nullement ses détracteurs de donner leur avis sur les actes de cette assemblée d'où s'échappèrent les fameuses « fumées de Satan ». L'argument le plus fréquemment opposé tient au fait que Vatican II fut présenté comme un concile « pastoral ».  Ce terme est repris à l'envi par des personnes qui opposent de manière binaire « pastoral » à « dogmatique », limitant de fait ce dernier domaine aux canons et anathèmes.

Un excellent article (ici) publié sur La crise intégriste aborde – avec davantage de profondeur et de subtilité – la question de l'autorité des textes magistériels et notamment ceux du dernier concile œcuménique.