mardi 11 janvier 2011

Marie Madeleine : erreur sur la personne

Il est de ces clichés tellement ancrés dans les esprits qu'on serait prêt à mettre la main au feu qu'il s'agit de faits incontestables à tenir comme des vérités de foi. Ainsi, la pomme qu'aurait croquée Adam ou le cheval dont serait tombé Paul de Tarse en chemin vers Damas. De même pour les « rois mages » dont chaque enfant a appris les patronymes respectifs en disposant les trois playmobils devant la crèche.

Contemporaine du Christ, Marie Madeleine est l'une des « saintes femmes » de l'évangile. Elle s'est vu attribuer la ferme réputation d'avoir eu des mœurs légères, quand on ne la qualifie pas carrément de prostituée. Tout cela à cause d'une surinterprétation de quelques péricopes évangéliques, et surtout d'une confusion entre trois personnages distincts : Marie de Magdala (Marie Madeleine), Marie de Béthanie et la pécheresse pardonnée. Le rapprochement entre les deux dernières peut se comprendre compte tenu de similitudes factuelles assez fortes – bien qu'il semble s'agir de deux scènes distinctes, l'une se déroulant chez Simon le lépreux (Matthieu XXVI, 6), l'autre chez un pharisien (Luc VII, 36). On aura l'identité de l'une des deux grâce à Jean XI, 2 et XII, 3 : Marie de Béthanie, sœur de Marthe et de Lazare. Quant à la pécheresse pardonnée, c'est soit cette même Marie – et le récit de l'onction aura été modifié –, soit une autre femme dont l'identité est tue par discrétion par rapport à ses actes passés, soit l'un de ces personnages dont la condition ou l'attitude – la veuve pauvre mettant son obole ou le centurion romain devant la Croix – prime sur l'identité. Mais rien ne permet de rapprocher Marie de Magdala de cette pécheresse, d'autant plus que Marie est nommée en Luc VIII, 2 alors que ladite pécheresse, évoquée juste avant (Luc VII, 41) reste anonyme.

Que savons-nous par le Nouveau Testament de Marie Madeleine ? D'abord qu'elle faisait partie de l'entourage de Jésus qui l'avait guérie d'esprits mauvais (Luc VIII, 2 ; Marc XVI, 9). Ensuite qu'elle était présente lors de la Passion parmi d'autres femmes (Matthieu XXVII, 56.61 ; Marc XV, 40.47 ; Jean XIX, 25) puis après la Résurrection (Matthieu XXVIII, 1, Marc XVI, 1-10 ; Luc XXIV, 10, et surtout Jean XX, 11-18). Au delà de ceci, tout le reste la concernant n'est qu'opinions, plus ou moins sérieuses et fondées, ayant fourni moults commentaires bibliques, coutumes folkloriques, et best-sellers surfant sur le croustillant – pensons à Nikos Kazantzakis et Dan Brown, écrivains qui ont bien compris la nuance entre croyance et crédulité.

dimanche 9 janvier 2011

La Parole de Dieu

« Lex orandi, lex credendi » : ce principe induit qu'une théologie défaillante est vouée à se traduire dans des fantaisies liturgiques. L'une d'elles nous est fréquemment donnée à voir, pendant la messe, lorsque le prêtre – ou le diacre – qui vient de lire l'évangile du jour se met à brandir à bout de bras le lectionnaire en proclamant « Acclamons la Parole de Dieu ». La Bible est-elle donc la Parole de Dieu ?

La constitution conciliaire Dei Verbum avait clairement affirmé : « En effet, la sainte Écriture est la Parole de Dieu » (DV 9). Cependant il faut reconnaître l'ambigüité de la version française du texte, qui traduit indifféremment « verbum » et « locutio » par « parole ». Et ici, la sainte Écriture est qualifiée de « locutio Dei », expression beaucoup moins solennelle que « Verbum Dei ». Car la Parole (en grec λόγος, en latin verbum), c'est le Christ, ou plus exactement Dieu le Fils : le Prologue de l'Évangile selon saint Jean – jadis lu à la fin de chaque messe – l'exprime avec intensité. D'ailleurs, dans un discours prononcé pour les 25 ans de la constitution sur la Révélation Divine, Jean-Paul II déclara : « L’expression initiale Dei Verbum, dont on se sert pour désigner le document, n’est pas, comme on est parfois tenté de le penser, un simple synonyme d’“Écriture sainte” ; son sens est plus large et plus complet : elle désigne la Parole vivante de Dieu, telle que Dieu la communique continuellement à l’Église et par l’Église ». Saint Jean de la Croix écrivait : « Dès lors qu'Il nous a donné son Fils, qui est sa Parole, Dieu n'a pas d'autre parole à nous donner ».

« Louange à toi, Seigneur Jésus » (« Laus tibi, Christe ») : c'est par cette réponse que l'assemblée priante acclame ainsi la Parole de Dieu, Jésus Christ, le Verbe fait chair.

samedi 8 janvier 2011

Epiphanie publicitaire

Une publicité récente pour une boisson « énergisante » – et dégueulasse – se présente sous la forme d'un dessin animé parodiant la scène de l'Épiphanie. À Marie qui vient d'enfanter s'adressent ainsi quatre personnages munis de présents : « Je vous salue Marie et Joseph. Nous sommes les quatre rois mages venus d’Orient pour présenter nos hommages à l’Enfant ». Ce à quoi Marie répond avec candeur : « Vous êtes quatre ? Mais dans le Nouveau Testament, vous n’êtes que trois... ».

Il aurait pourtant suffi au concepteur-rédacteur de ce spot d'ouvrir sa Bible pour éviter de faire de l'exégèse à partir de sa crèche playmobil. Il y aurait découvert que le Nouveau Testament n'évoque pas des « rois mages » mais simplement des « mages » (Matthieu II, 1). En outre, il n'est fait aucune mention de leur nombre – ni de leurs noms, d'ailleurs – ; on nous indique juste qu'ils étaient venus apporter « de l'or, de l'encens, de la myrrhe » (Matthieu II, 11). Rien de plus. Le reste est issu de croisements faits avec d'autres textes, bibliques ou apocryphes.

(à lire)